L’école face aux enfants neuro-atypiques
- natachaaubugeau4
- 31 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 avr.

Avant d’accompagner des adultes TDAH ou HPI dans leur chemin de reconstruction, j’ai moi-même connu ce sentiment diffus d’être en décalage, dès l’enfance. À l’époque, il n’y avait pas de mots. Pas de diagnostic. Juste cette impression d’être “trop” ou “pas comme il faut”, sans vraiment comprendre pourquoi. En devenant mère, j’ai cru – espéré – que les choses avaient changé. Pourtant, il y a une dizaine d'année à peine, nous avons traverser un véritable parcours du combattant pour faire reconnaître les besoins de notre fils aîné. Aujourd’hui encore, avec notre plus jeune, je constate que si les discours se veulent plus ouverts, les pratiques, elles, restent inégalement appliquées. D’une équipe éducative à l’autre, la compréhension de la différence varie, l’accueil aussi. Alors une question revient, lancinante, essentielle :
👉 Qui doit vraiment s’adapter à qui ?
Derrière les silences, les blocages, l’épuisement ou le manque de confiance, il y a parfois une histoire ancienne. Celle d’un enfant qui, dès ses premières années à l’école, a reçu ce message implicite : tu n’es pas comme il faut. Aujourd’hui, j’accompagne des adultes TDAH, parfois HPI, qui portent encore les blessures d’un système éducatif qui n’a pas su – ou pas pu – les accueillir tels qu’ils sont.
TDAH et HPI : quand le cerveau va trop vite, ou pas comme les autres
Le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) n’est pas un caprice, ni un manque de volonté. C’est un trouble neurodéveloppemental qui affecte le fonctionnement exécutif du cerveau : l’attention soutenue, l’impulsivité, la régulation émotionnelle, la mémoire de travail, la planification.
Cela donne quoi à l’école ?
Un enfant qui se lève sans cesse, parle à tort et à travers, oublie ses affaires, ne termine jamais ses exercices.
Ou à l’inverse, un enfant “dans la lune”, rêvasseur, qui semble ailleurs alors qu’il est juste dépassé par la surcharge sensorielle.
Le HPI (haut potentiel intellectuel) est souvent perçu comme une “chance”. Mais il vient aussi avec son lot de difficultés :
Une pensée en arborescence qui rend les consignes simples... confuses.
Une hypersensibilité émotionnelle qui provoque des crises de colère ou des replis.
Un ennui profond face à la répétition, au manque de sens ou à l’injustice.
👉 Deux profils très différents, mais qui se heurtent à un modèle scolaire centré sur la norme, le groupe, la linéarité et l’obéissance.
L’école inclusive : un idéal encore trop théorique
Depuis la loi de 2005, l’école française se veut inclusive. C’est-à-dire capable d’accueillir tous les enfants, quels que soient leurs besoins éducatifs particuliers. En théorie, c’est un progrès considérable.Mais dans les faits ?
Trop peu d’AESH pour accompagner les enfants en situation de handicap ou ayant besoin d’un soutien individualisé.
Des enseignants peu formés à la neurodiversité, souvent seuls face à la complexité de leurs classes.
Une organisation rigide du temps, des espaces, des évaluations qui ne permet pas la différenciation.
L’inclusion reste alors un principe sur le papier, mais un parcours du combattant pour les familles, et un facteur d’épuisement pour les enfants concernés.
Quand l’école fabrique de la honte
À force d’entendre :
“Tu es trop agité.”
“Tu pourrais mieux faire.”
“Tu déranges la classe.”
“Tu as encore oublié ton cahier.”
« Tu vas trop vite »
... l’enfant TDAH ou HPI finit par intérioriser l’idée qu’il est “de trop”.
Ce n’est pas simplement de la tristesse ou de la frustration. C’est une honte identitaire qui s’installe : celle de ne pas être à la hauteur, de décevoir en permanence, d’être “cassé”.
Sur le plan neuropsychologique, cela altère l’image de soi, la motivation, la capacité à persévérer. Et plus tard, cela devient un frein puissant à l’estime de soi et à la confiance en ses capacités.
Je vois ces adultes en coaching ou en thérapie : brillants, sensibles, pleins de ressources... mais abîmés par des années de comparaison, de suradaptation, d’échecs injustes.
Autorité ou encadrement ? Repenser les postures éducatives
Dans un modèle éducatif classique, l’autorité repose sur :
La maîtrise de soi,
Le respect implicite des règles,
La conformité aux normes du groupe.
Mais ces attendus sont inaccessibles ou injustes pour certains enfants. Leur demander de “tenir en place”, de “se taire” ou de “se concentrer” sans comprendre leur fonctionnement neurologique, revient à leur demander de changer de câblage cérébral.
L’autorité, dans un cadre inclusif, ne peut pas être figée. Elle doit devenir adaptative, explicite, soutenante. Elle cadre, oui, mais avec souplesse, pédagogie, et surtout compréhension.
L’analogie de la table : qui doit s’adapter à qui ?
Imaginez une grande table. Autour d’elle, des convives très différents. L’un ne supporte pas le gluten. L’autre est végétarien. Un troisième a besoin de manger lentement.Est-ce qu’on leur dit :
“Ici, on mange tous pareil, et à la même vitesse” ?Ou bien :“Comment puis-je adapter le menu pour que vous puissiez, vous aussi, profiter du repas ?”
L’école, c’est cette table. Et les enfants TDAH, HPI ou DYS ne peuvent pas digérer ce que les autres avalent sans difficulté. Ce n’est pas à eux de changer leur métabolisme.C’est au système de diversifier les plats, de revoir ses règles de service, de réinventer le repas commun.
Grandir avec confiance, pas avec la peur de déranger
Les enfants neuro-atypiques ont des potentiels immenses.
Ce sont souvent eux qui ressentent avant les autres,
Qui connectent des idées nouvelles,
Qui osent dire ce que tout le monde pense tout bas,
Qui inventent des chemins différents.
Mais pour que ces ressources s’expriment, ils doivent d’abord se sentir en sécurité, légitimes, compris.
Et cela commence à l’école.
Alors, qui doit s’adapter à qui ?
Ce n’est pas aux enfants de taire leur différence.C’est à l’institution de devenir vivante, poreuse, curieuse. L’école inclusive n’est pas une école de l’exception.Elle est une école du respect de la diversité humaine.
Et ça, c’est la condition pour que chacun puisse apprendre… et s’aimer.
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