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L’attachement, ou comment notre manière d’aimer se construit et nous construit …

  • natachaaubugeau4
  • 12 avr.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 avr.



Nous venons au monde en quête de lien. Avant même de savoir parler, nous cherchons à sentir une présence, une chaleur, une attention. Le regard d’un parent, une main posée avec douceur, une réponse stable à nos besoins. Ce lien fondamental, on l’appelle l’attachement.

Il n’est ni visible, ni mesurable, et pourtant il façonne notre manière de vivre, de nous relier aux autres, d’aimer, de travailler, d’amitié, et parfois… de survivre. Comprendre notre style d’attachement, c’est ouvrir une porte vers soi. C’est aussi mieux comprendre nos relations, et les difficultés qui s’y rejouent malgré nous.


Ce que nous dit la psychologie

C’est le psychiatre britannique John Bowlby qui a formalisé la théorie de l’attachement. Il a montré que l’être humain, dès sa naissance, a besoin de créer un lien fort et sécurisant avec une figure d’attachement — souvent un parent. Ce lien est essentiel pour le développement psychique et affectif de l’enfant.

Mary Ainsworth, psychologue, a poursuivi ses recherches et identifié plusieurs styles d’attachement : sécure, insécure-évitant, insécure-ambivalent, et plus tard, désorganisé. Ces styles se forgent dans l’enfance, mais continuent d’agir, souvent inconsciemment, tout au long de la vie.


Les quatre grandes façons de s’attacher

  • Sécure : le lien a été stable, suffisamment disponible et rassurant. L’enfant peut explorer le monde, revenir en sécurité, et se construire avec confiance. À l’âge adulte, cela donne souvent des personnes capables d’aimer librement, sans se perdre ni fuir.

  • Insécure-évitant : l’enfant a appris à ne pas trop montrer ses besoins ou ses émotions, parce qu’elles étaient peu reconnues ou minimisées. Adulte, cela se traduit par une difficulté à s’engager, à faire confiance, ou par une tendance à fuir l’intimité.

  • Insécure-ambivalent : l’enfant a vécu une relation instable, imprévisible, où il ne savait jamais s’il allait être entendu ou rejeté. Cela peut créer une grande dépendance affective, un besoin de réassurance constant, et une peur d’être abandonné.

  • Désorganisé : le lien est source de confusion, voire de peur. L’enfant vit des situations où la figure qui devrait protéger devient aussi une source d’angoisse. À l’âge adulte, cela peut entraîner des relations chaotiques, une difficulté à se sentir en sécurité avec l’autre ou avec soi-même.


Ces schémas s’invitent dans toutes nos relations


1. En amour : l’intimité comme révélateur

La relation amoureuse est l’un des lieux les plus puissants où se rejouent nos schémas d’attachement.

Julie, par exemple, fuit dès que son compagnon devient trop proche. Elle ressent cela comme une menace à son autonomie. Elle ne le fait pas exprès, elle se protège.

Karim, au contraire, devient angoissé quand il ne reçoit pas assez de messages ou de marques d’attention. Il cherche des preuves constantes qu’il est aimé. Il n’est pas “trop” : il est inquiet de ne pas compter.

Ces comportements ne sont pas des défauts. Ils parlent d’un besoin fondamental : celui de se sentir en sécurité dans le lien. Quand cet espace n’a pas été stable enfant, l’amour peut devenir un champ de tension au lieu d’un refuge.


2. Dans le travail : posture, confiance et reconnaissance

Nos schémas d’attachement se rejouent aussi dans le cadre professionnel.

Sophie, cheffe de service, ne délègue rien. Elle anticipe tout, contrôle tout. Elle porte seule. Derrière cette performance, il y a une peur de ne pas être à la hauteur, d’être jugée, rejetée. Elle a appris à ne pas avoir besoin des autres.

Thomas, lui, n’ose pas s’exprimer en réunion. Il préfère se taire que d’être en désaccord. Il se protège d’un conflit qu’il n’a jamais su traverser. Il a grandi avec l’idée que se faire discret était plus sûr que de s’affirmer.

L’attachement influence notre capacité à coopérer, à poser des limites, à prendre notre place dans une équipe. On croit souvent qu’il s’agit de compétences. Mais derrière, il y a souvent une mémoire relationnelle.


3. En amitié : entre proximité, fusion ou retrait

L’amitié peut sembler plus légère que l’amour, mais elle mobilise aussi des enjeux d’attachement.

Élise est toujours disponible, toujours présente. Elle donne beaucoup, sans compter. Mais elle se sent souvent seule, frustrée, non reconnue. Elle rejoue ce qu’elle a toujours fait : donner pour être aimée.

Lucas, lui, garde ses distances. Il est là, mais peu disponible émotionnellement. Il ne parle pas de ce qu’il vit. Il a appris à ne rien montrer pour ne pas déranger.

Ces exemples ne sont pas des fatalités. Ils sont des points de départ.

Le plus beau dans ces histoires, c’est que l’attachement, même insécure, peut évoluer.


Des pistes pour transformer ses liens

Changer sa manière d’être en lien, ce n’est pas se forcer à devenir quelqu’un d’autre. C’est plutôt apprendre à s’écouter, à se sécuriser, à faire de la place à ses besoins profonds… tout en apprenant à mieux entrer en relation avec l’autre.


Voici quelques pistes à explorer :

1. Faire un point sur soi

Posez-vous ces questions, sans jugement :

  • Comment étaient vos liens dans l’enfance ?

  • Qu’est-ce qui vous met en insécurité dans une relation ?

  • Est-ce que vous vous sentez libre et serein.e dans vos liens, ou sous tension, en attente, ou sur la défensive ?


2. Observer ses relations dans la durée

Choisissez une relation importante et observez :

  • Comment vous exprimez vos besoins ?

  • Est-ce que vous écoutez l’autre ou anticipez pour éviter le conflit ?

  • Avez-vous tendance à vous effacer, ou à prendre trop de place sans le vouloir ?


3. Tenir un journal d’attachement

Pendant quelques semaines, prenez note chaque jour :

  • D’un moment où vous vous êtes senti.e proche et en sécurité.

  • D’un moment où une relation a été inconfortable ou insécurisante.

  • De vos pensées, émotions et comportements associés.

Ce journal n’est pas un bilan de performance. C’est une boussole. Un miroir. Il vous aidera à repérer des schémas et à poser des actes plus conscients.


4. Revenir au corps pour sentir la sécurité

Notre système d’attachement s’exprime souvent dans le corps avant même que la tête comprenne. Prenez quelques minutes chaque jour pour vous connecter à votre corps :

  • Où est-ce que je ressens de la tension quand je suis en lien avec l’autre ?

  • Est-ce que ma respiration s’accélère ou se coupe ?

  • Que se passe-t-il quand je me sens en sécurité ? En vous reconnectant à vos sensations, vous pourrez repérer plus finement vos zones de stress et activer des ressources de régulation (respiration, ancrage, mouvement…).


5. Pratiquer l’auto-réassurance

Lorsque l’on a grandi sans repères stables, on attend souvent des autres qu’ils nous rassurent… sans pouvoir le demander clairement. Apprendre à s’auto-rassurer est une clé essentielle :

  • « Ce que je ressens est légitime. »

  • « Je peux me calmer en respirant lentement. »

  • « Même si cette situation me déstabilise, je suis en sécurité ici et maintenant. » Ces phrases simples, répétées avec douceur, viennent nourrir notre sécurité intérieure.


6. Identifier ses déclencheurs relationnels (ou "triggers")

Notez les situations où vous réagissez de manière disproportionnée (fuite, colère, repli, angoisse). Demandez-vous :

  • Qu’est-ce que cette situation a réveillé en moi ?

  • À quel souvenir, émotion ou peur cela me renvoie ? En identifiant vos déclencheurs, vous pouvez commencer à répondre autrement, avec plus de conscience et de liberté.


7. Apprendre à nommer ses besoins

Beaucoup de conflits viennent d’un besoin non reconnu ou mal exprimé.

Essayez de reformuler vos ressentis ainsi :

  • « J’ai besoin de me sentir entendu.e quand je partage quelque chose d’important. »

  • « J’ai besoin d’un peu de recul avant de reprendre cette conversation. » C’est une pratique qui demande du courage, mais elle change profondément la qualité des liens.


8. Créer des relations “ressources”

Certaines relations nous nourrissent, nous apaisent, nous reparent. D’autres nous vident ou réactivent nos blessures.

Faites un point :

  • Quelles relations me sécurisent ?

  • Avec qui puis-je être pleinement moi ? Entourez-vous de personnes qui vous aident à grandir, et autorisez-vous à poser des limites avec celles qui vous tirent vers le bas.


9. Explorer l’histoire familiale avec bienveillance

Nos liens d’attachement se sont souvent construits dans un contexte lui-même insécure. Prendre du recul sur l’histoire familiale (les non-dits, les transmissions inconscientes, les loyautés) permet de remettre les choses à leur juste place. Ce travail peut se faire seul avec un journal, ou accompagné (thérapeute, constellation familiale, génogramme, etc.).


10. S’autoriser à demander de l’aide

Changer ses schémas relationnels est un chemin qui peut remuer, fatiguer, bouleverser.

S’entourer, être accompagné.e, partager ce que l’on traverse avec une personne de confiance, un groupe ou un professionnel, est souvent essentiel pour ne pas rester seul.e avec ses peurs. Demander de l’aide, c’est un acte de force, pas de faiblesse.


 

Et maintenant ?

L’attachement n’est pas figé. Ce que nous avons vécu peut être re-traversé, re-signifié, soigné. À chaque fois que nous créons une relation plus consciente, plus apaisée, nous réparons un bout de nous-même. Que ce soit avec un partenaire, un collègue, un ami… ou avec soi.

Comprendre l’attachement, c’est se redonner du pouvoir là où on pensait n’avoir que des réactions automatiques. C’est reconnaître nos besoins, apprendre à les exprimer, apprendre aussi à accueillir ceux des autres. C’est faire de la place à la sécurité, dans nos relations comme dans notre quotidien.

Et ça commence maintenant. Un regard. Une parole différente. Une présence, plus stable, envers soi. Pas à pas.

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