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Le leadership spirituel a-t-il une place dans les entreprises ?

  • natachaaubugeau4
  • 13 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 17 heures



Le leadership spirituel a-t-il une place dans les entreprises ?

C’est une question que soulève avec subtilité et profondeur le documentaire Intelligence intuitive et spirituelle réalisé par Valérie Seguin. En donnant la parole à des philosophes, neuroscientifiques, dirigeants, artistes et enseignants spirituels, ce film interroge notre manière de penser, de ressentir et de décider. Il met en lumière deux formes d’intelligences trop souvent écartées du monde professionnel : l’intelligence intuitive, cette capacité de percevoir au-delà du rationnel, et l’intelligence spirituelle, ce lien à plus grand que soi, porteur de sens, d’élévation et de cohérence intérieure.

Ces deux intelligences apparaissent comme les fondations possibles d’un nouveau leadership : plus conscient, plus ancré, plus humain. Un leadership qui ne cherche pas seulement la réussite, mais la justesse. Un leadership spirituel, donc, qui mérite qu’on s’interroge : a-t-il réellement sa place dans l’entreprise ? Et si oui, comment s’y incarne-t-il concrètement ?



Une autre dimension du leadership : entre transcendance et service

Le leadership spirituel, tel que défini par Louis W. Fry, professeur en management à la Texas A&M University, s’appuie sur une vision plus large que la simple efficience économique. Il repose sur la foi, l’espoir, l’amour altruiste et la recherche de sens au travail. Dans ses travaux, Fry montre que le leadership spirituel vise à favoriser un climat organisationnel où chacun se sent appelé à une mission plus grande que lui, dans laquelle il peut trouver de la satisfaction intérieure et de l’épanouissement.


Ce leadership ne dépend pas d’une religion ni d’un dogme. Il s’agit plutôt d’un ancrage intérieur, d’un lien à soi, aux autres et, pour certains, à quelque chose de plus vaste que soi (la nature, l’humanité, l’univers). C’est une posture qui replace l’éthique, la responsabilité et le service au cœur de la fonction de leader.


Une filiation philosophique : la sagesse au service du collectif

D'un point vu philosophique, cette approche s’inscrit dans la lignée des pensées de Socrate et de Spinoza, qui voyaient dans la connaissance de soi et dans la joie une voie vers l’accomplissement. Le care (l’éthique du prendre soin), développé par Carol Gilligan et Joan Tronto, offre également un socle théorique précieux : un bon leader ne domine pas, il veille, relie, prend soin du vivant en chacun.

De même, Pierre-Yves Gomez, économiste et philosophe, critique une entreprise coupée de toute quête de sens, et plaide pour une économie du “bien commun”, où la finalité de l’action retrouve sa dimension morale et spirituelle.

Enfin, dans Reinventing Organizations, Frédéric Laloux (ancien consultant chez McKinsey) propose un modèle d’organisation "opale", où la conscience, la confiance, l’intelligence collective et la raison d’être évolutive remplacent le contrôle hiérarchique. Pour lui, le leadership spirituel est une évidence dans l'entreprise du futur.


Quels visages en entreprise ?

Dans la réalité, certaines entreprises intègrent déjà cette dimension. Elles valorisent l’authenticité, la pleine conscience, le lien avec la nature, la co-construction, ou encore la vulnérabilité assumée comme levier d’humanité et de confiance.

Prenons l’exemple de Patagonia, entreprise de vêtements outdoor, qui place la préservation de l’environnement au cœur de sa stratégie. Son fondateur, Yvon Chouinard, a incarné un leadership profondément spirituel, en prônant la décroissance choisie, la simplicité volontaire, et le respect du vivant. En 2022, il a même transféré la propriété de l’entreprise à un trust environnemental, illustrant une vision du leadership tournée vers le don et la transmission.

Danone, sous l’impulsion d’Emmanuel Faber, a initié une transformation fondée sur l’engagement sociétal, la gouvernance participative et le sens du bien commun. Même si cette dynamique a été remise en cause par la suite, elle montre qu’une grande entreprise peut s’autoriser à intégrer des principes de conscience dans sa stratégie.

Plus près du terrain, de nombreuses PME et structures de l’économie sociale expérimentent des modèles inspirés du leadership spirituel : cercles de gouvernance partagée, rituels collectifs, silence en réunion, temps de retour à soi, feedbacks authentiques.

On pense à des structures comme Favi, fonderie industrielle en Picardie, qui a connu une transformation radicale sous la direction de Jean-François Zobrist. En supprimant la hiérarchie classique, en libérant la parole et la responsabilité, il a mis en place un management fondé sur la confiance, l’amour du travail bien fait et la dignité humaine. Pour lui, croire en l’homme est un acte presque spirituel.

À Niort, la MAIF, quant à elle, incarne une vision humaniste du travail profondément ancrée dans sa culture coopérative. Forte de son modèle mutualiste, elle place la solidarité, la confiance et l’engagement au cœur de son action. Ayant personnellement travaillé au sein de cette entreprise pendant 17 ans, et contribué à la mise en oeuvre de la transformation culturelle j'ai pu observer comment les dirigeants, les managers et les collaborateurs étaient appelés à “faire alliance” autour d’un projet porteur de sens. La posture de service, le respect de la personne, l’alignement éthique dans les décisions stratégiques comme opérationnelles, témoignent d’un leadership profondément ancré dans des valeurs spirituelles. Loin des dogmes, c’est la notion de responsabilité élargie, de contribution à l’intérêt collectif et de conscience sociale qui irrigue les pratiques internes.

la CAMIF, entreprise à mission, propose un modèle d'engagement au service du territoire, de l’environnement et du bien commun. Son dirigeant, Emery Jacquillat, a initié des pratiques internes alignées avec des valeurs profondes : transparence, sobriété, écoute du vivant. Les réunions débutent parfois par un temps de silence, favorisant le recentrage et la qualité de présence.

On pourrait également citer Utopies, agence de conseil en développement durable, qui articule depuis sa création écologie intérieure et extérieure, et où le management valorise sens, authenticité et cohérence personnelle. Ou encore Terre de Liens, qui œuvre pour une agriculture durable et une gestion responsable du foncier, tout en intégrant les notions de reliance et de gouvernance sensible au vivant.


Des bénéfices tangibles : sens, engagement et performance durable

Les entreprises qui intègrent ces pratiques rapportent plusieurs effets positifs :

  • une augmentation de l’engagement des collaborateurs, qui trouvent du sens et de la cohérence dans leur travail,

  • une meilleure qualité relationnelle, fondée sur l’écoute, la confiance et la bienveillance,

  • une agilité renforcée, car les décisions sont plus alignées, intuitives, et portées collectivement,

  • une résilience accrue face aux crises, grâce à une boussole intérieure claire et partagée.

Ces bénéfices, loin d’être anecdotiques, rejoignent les attentes croissantes des nouvelles générations, en quête de contribution et d’alignement personnel. Le leadership spirituel devient alors un levier stratégique autant qu’humain.


Des résistances et des limites… mais une nécessité ?

Bien sûr, le mot “spirituel” fait peur. Il évoque parfois le mystique, le flou, voire le sectaire. Il faut donc le déconfiner, l’ancrer dans le quotidien, le relier à des pratiques simples et incarnées. Car ce que cherche ce type de leadership, ce n’est pas de convertir, mais d’inspirer. De faire le lien entre performance et conscience.

Dans un monde en crise de repères, où le burn-out, la perte de sens, la solitude professionnelle se multiplient, peut-on encore diriger sans être habité par quelque chose de plus grand ? Le leadership spirituel n’est peut-être pas une utopie, mais une urgence. Celle d’un retour au vivant, au sensible, au vrai.


Et si le leader de demain était avant tout un être spirituellement engagé ?

Pas dans un sens religieux. Mais engagé dans une quête de sens, de justesse, de lien. Un leader qui, avant de vouloir transformer le monde, commence par se transformer lui-même. Un leader qui ne dirige pas seulement des chiffres, des projets ou des équipes, mais qui développe les consciences.





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