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L’emprise : ce piège qui ne dit pas son nom

  • natachaaubugeau4
  • 3 juil.
  • 3 min de lecture

Il y a des liens qui détruisent plus sûrement que des chaînes. Dans nos vies personnelles comme professionnelles, il peut arriver de perdre prise… jusqu’à perdre pied. Sans cris, sans coups, sans grands drames visibles. L’emprise n’est pas toujours spectaculaire. Elle est souvent silencieuse, insidieuse, presque indétectable… jusqu’au moment où l’on réalise qu’on n’est plus tout à fait soi.


Quand la relation devient brouillard

L’emprise commence rarement par une domination directe. Elle débute par un lien fort, apparemment nourrissant, sécurisant. Cela peut être un manager charismatique, un conjoint à l’écoute, une figure d’autorité bienveillante. Quelqu’un qui semble combler nos besoins les plus profonds, souvent inconscients.

Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychanalyste, a montré dans Le harcèlement moral (1998) que l’emprise fonctionne par infiltration progressive du psychisme, à travers des micro-violences, des humiliations subtiles et répétées. Elle parle de violence perverse, dont la spécificité est de faire douter la victime de sa propre perception.

Petit à petit, des remarques banalisées viennent altérer l’estime de soi :

"Tu es trop sensible.""Tu ne comprends pas.""Tu exagères toujours."

La personne sous emprise entre alors dans un état de confusion cognitive. Jean-Charles Bouchoux (Les pervers narcissiques, 2009) décrit comment ce trouble de la perception est nourri par des paradoxes, des messages ambigus, des doubles contraintes. Ce brouillage mental entraîne perte de repères, perte de confiance, et perte de lien avec soi.


Une violence sans cris, mais pas sans effets

Contrairement aux violences physiques, l’emprise n’a pas besoin de coups. Elle s’exerce souvent à bas bruit, par le langage, la posture, le regard. Judith Herman, psychiatre spécialisée dans les traumatismes, parle de capture psychique, processus dans lequel la victime ne peut plus penser par elle-même sans craindre la sanction ou la rupture.

L’emprise repose sur plusieurs leviers :

  • La peur de perdre le lien (abandonnisme, loyauté, isolement)

  • La culpabilité ("Je n’ai pas fait assez", "C’est de ma faute")

  • La dette ("Avec tout ce qu’il/elle a fait pour moi...")

  • La honte (d’avoir "laissé faire", d’avoir été "faible")


On retrouve ici les mécanismes de l’attachement insécure désorganisé, abordé lors d'un précédent article, et décrits par Mary Main et Judith Solomon. La victime reste liée à l’agresseur parce qu’il est perçu à la fois comme source de sécurité et de menace. Ce paradoxe interne empêche toute prise de distance.


Ce n’est pas une question de faiblesse

Sortir de l’emprise demande du courage. Mais il est essentiel de le rappeler :

Être sous emprise n’est pas une preuve de faiblesse.C’est le signe qu’un processus a agi en profondeur, souvent en s’appuyant sur des blessures anciennes, des besoins d’appartenance, ou une haute capacité d’empathie.

Boris Cyrulnik (Autobiographie d’un épouvantail, 2008) montre à quel point les personnes les plus résilientes sont parfois aussi les plus vulnérables à l’emprise, car elles ont appris à s’adapter, à encaisser, à garder le lien à tout prix.

Dans le monde du travail, l’emprise peut se traduire par un management toxique fondé sur la peur, le chantage affectif, ou le "micromanagement". Le salarié ne se sent plus légitime, culpabilise, se suradapte… jusqu’au burn-out ou à la dissociation.


Reconquérir son intégrité

Briser une emprise n’est pas une rupture instantanée. C’est un processus de réappropriation progressive. Il passe par plusieurs étapes :

  1. Prendre conscience que ce que l’on vit n’est pas normal (sortir du déni)

  2. Retrouver des appuis extérieurs sûrs : proches, thérapeute, coach formé

  3. Rétablir le lien à son corps et à ses émotions (souvent coupés)

  4. Nommer ce qui s’est passé : poser des mots pour sortir de la sidération

  5. Reconstruire l’estime de soi, en retrouvant ses choix, ses limites, sa pensée

Le travail de Peter Levine (Réveiller le tigre, 1997) sur le traumatisme suggère que le corps est souvent la clé de sortie de la sidération. Revenir au mouvement, aux sensations, à la présence à soi est une manière de récupérer du pouvoir d’agir.

En coaching, il ne s’agit pas de « sauver », mais d’accompagner la reconnexion à l’autonomie, en respectant le rythme de la personne, en restaurant une alliance basée sur la sécurité et le non-jugement.


Pour conclure

L’emprise est une réalité trop méconnue, mais omniprésente dans de nombreux parcours de vie. La comprendre, c’est mieux l’identifier. L’identifier, c’est mieux s’en libérer. Et s’en libérer, c’est retrouver son droit fondamental à penser, ressentir, agir.

"Ce n’est pas la lumière qu’on cherche en sortant de l’emprise, c’est d’abord la vérité."– N.A.

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