top of page

La génération Z : un mythe marketing plus qu’une réalité sociologique

  • natachaaubugeau4
  • 24 juil.
  • 4 min de lecture


On entend souvent que les générations X, Y, Z, et maintenant Alpha, auraient des besoins fondamentalement différents au travail. Les jeunes seraient « moins engagés », « moins attachés au travail », ou encore « incapables de supporter les contraintes ». Mais les récentes études, notamment celle de l’Institut Montaigne (Les jeunes et le travail : aspirations et désillusions des 16-30 ans) et les divers travaux de la philosophe et sociologue Dominique Méda, déconstruisent largement ces clichés. Elles montrent que ce n’est pas tant la génération qui détermine le rapport au travail, mais plutôt les conditions réelles dans lesquelles il s’exerce.


Un attachement au travail partagé par tous

L’étude de l’Institut Montaigne révèle que les jeunes de 18 à 30 ans sont loin d’être « désinvestis ». Au contraire, la majorité exprime un attachement fort au travail et souhaite travailler davantage, tant que celui-ci a du sens, qu’il permet de progresser et d’apporter une contribution utile. Ce désir d’utilité, de reconnaissance et d’autonomie n’est pas nouveau : les générations précédentes – X et Y – l’exprimaient déjà dans les années 1990 et 2000.

Dominique Méda souligne d’ailleurs que l’évolution du rapport au travail n’est pas liée à un « changement de mentalité des jeunes », mais bien à une transformation structurelle du monde du travail. Les attentes actuelles (qualité de vie, sens, reconnaissance) sont en réalité des aspirations universelles. Elles ont été masquées par des modèles d’organisation qui, depuis des décennies, valorisent avant tout la productivité et l’efficacité au détriment de la dimension humaine.


Des désillusions qui reflètent des réalités communes

L’enquête de l’Institut Montaigne met en lumière un écart fort entre les attentes et la réalité : 66 % des jeunes estiment que le travail ne répond pas à leurs espoirs, en raison du stress, du manque de reconnaissance, de salaires insuffisants ou encore d’un management trop vertical. Ces désillusions, que l’on attribue souvent à la « fragilité » de la génération Z, sont en réalité les mêmes que celles exprimées par les générations précédentes, confrontées aux licenciements massifs des années 1990, au burn-out ou à la perte de sens dans des emplois dits « bullshit jobs ».



ree

Une continuité frappante des années 80 à aujourd'hui

Dominique Méda parle d’un « mal-être structurel » du monde du travail, et non d’un phénomène générationnel. Elle rappelle que toutes les enquêtes menées depuis les années 1980 montrent une constante : ce que les individus veulent du travail, c’est une activité digne, utile, avec un niveau d’autonomie raisonnable et une reconnaissance réelle. Aujourd'hui encore l’Institut Montaigne dresse le même tableau, preuve que le problème n’est pas une affaire de génération mais d’absence de transformation structurelle du travail.

Malgré des discours récurrents sur l’innovation managériale, les racines du malaise restent inchangées : faible reconnaissance, déséquilibre vie professionnelle et personnelle, pression accrue, promesses non tenues. Les jeunes d’aujourd’hui expriment simplement avec plus de clarté et de visibilité ce que leurs aînés ressentaient déjà.


Alors pourquoi focalise-t-on autant sur la génération Z  ?

Si la génération Z occupe tant l’espace médiatique, ce n’est pas seulement parce qu’elle représenterait une révolution culturelle :

  1. Un besoin de lecture simplifiée du monde : Les discours sur les générations permettent aux entreprises et aux médias de catégoriser la complexité sociale en étiquettes faciles à comprendre : "les baby-boomers", "les millennials", "la génération Z". Cette simplification rassure, même si elle ne reflète pas la réalité.

  2. Une rupture technologique visible : La génération Z est la première à avoir grandi avec Internet, les réseaux sociaux et une culture numérique très forte. Ce rapport naturel aux technologies est souvent interprété comme un signe de différence fondamentale, alors qu’il s’agit davantage d’un changement d’outils que d’un changement de valeurs.

  3. Des attentes exprimées plus haut et plus fort : Contrairement aux générations précédentes, la génération Z n’hésite pas à exprimer ses exigences : équilibre vie pro/perso, sens, flexibilité. Ce qui, autrefois, restait implicite ou tu, est aujourd’hui formulé clairement, ce qui accentue l’impression d’une "rupture".

  4. Un discours qui… fait vendre : La génération Z est devenue un produit marketing. Les consultants, les conférences et les publications fleurissent sur « comment manager la génération Z », « comment attirer les jeunes talents », « comment vendre à la génération Z ». Ce récit génère du contenu, des formations, des conseils payants, et nourrit un véritable marché de la génération Z. Ce qui entretient l’illusion d’une génération radicalement différente, alors qu’elle exprime simplement des besoins humains universels avec un vocabulaire contemporain.


Réinventer les conditions de travail pour tous

Améliorer le travail, c’est améliorer les conditions de travail pour toutes les générations. Autonomie, participation aux décisions, équilibre vie pro/perso, reconnaissance : ces leviers profitent autant aux jeunes entrants qu’aux seniors proches de la retraite. Comme le rappelle Dominique Méda, « ce n’est pas la jeunesse qui rejette le travail, mais un système qui ne donne plus les moyens d’en faire une expérience positive et constructive ».


En conclusion

Parler de « génération Z » ou de « génération Y » comme si elles formaient des blocs homogènes aux besoins inédits est une simplification trompeuse. Les études de l’Institut Montaigne, de Dominique Méda, ou bien d'autres auteurs encore, montrent que les valeurs fondamentales – sens, dignité, utilité, reconnaissance – restent les mêmes. Ce qui change, c’est le contexte, les outils, les rythmes et les exigences. Pour réconcilier les âges, il faut refonder le contrat social du travail, au lieu de chercher à « adapter » chaque génération à des structures qui, elles, peinent à évoluer.





Commentaires


Copyright @ mis à jour le 22 juin 2022 - Eki Ressources - réalisé par Studio de création Fabienne Vaillant & Studio NEW_Web_CREATION - Mentions légales 

bottom of page